Les mouvements migratoires caractéristiques de la deuxième moitié du XXe siècle ont grandement contribué à l’émergence de sociétés pluralistes. Ainsi se sont constitués de nombreux groupes ethniques largement issus de l’immigration. Compte tenu de la mondialisation des économies et du ralentissement démographique dans plusieurs pays, l’immigration et la diversité ethnique qui l’accompagne constituent des enjeux majeurs du début du XXIe siècle.
Cette diversité ethnique croissante pose de nouveaux défis, non seulement aux États nations, mais aussi aux organisations internationales et aux groupes de la société civile. Il existe entre autres une demande politique et sociale pressante pour des politiques basées sur des données fiables. Se pose alors la question de la collecte des données sur les divers groupes ethniques afin de connaître leur taille, leurs caractéristiques et les facteurs favorisant ou entravant leur insertion économique et sociale. En particulier, la mesure de l’ampleur et des différentes facettes de la discrimination est nécessaire à la formulation et l’évaluation des politiques antidiscriminatoires, tant nationales que régionales et internationales.
Les statistiques sociales ont toujours été au cœur des débats politiques et sociaux. Au Canada, la demande pour des données sur les comportements sociaux est croissante et justifie largement l’utilisation de fonds publics importants à des fins de collecte d’informations, par les recensements et plus récemment par d’importantes enquêtes sociales. En Europe et dans plusieurs autres régions du monde, la situation est plus complexe dans la mesure où, malgré l’existence d’une demande croissante pour de telles données, il n’existe pas de consensus sur la pertinence de produire des statistiques ethniques officielles.
En matière de discrimination liée à l’origine nationale ou ethnique, la situation varie énormément dans le monde. Si au Canada, les questions sur l’origine ethnique sont justifiées explicitement par la nécessité de faire le suivi (« monitoring ») des Chartes, des législations et des programmes d’accès à l’égalité, cela ne va pas de soi dans plusieurs autres pays. En Europe, si une minorité de pays comme l’Angleterre se rapproche de la situation canadienne, une majorité - dont la France - est opposée à l’inclusion des questions ethniques dans la statistique officielle. Néanmoins, avec les nouvelles réglementations anti-discrimination adoptées par l’Union européenne, les pressions pour la production de statistiques ethniques sont présentement très fortes.
L’objectif principal de la conférence est d’établir le lien entre la production, l’analyse, l’utilisation et l’interprétation des statistiques sociales reliées à la diversité ethnique. Plus spécifiquement, la conférence abordera les questions suivantes:
Doit-on compter? Ici, c’est la dimension éthique qui prédomine. Le fait de distinguer et de caractériser les populations selon leurs origines ethniques constitue-t-il un risque de stigmatisation ou au contraire un atout pour mesurer et expliquer les discriminations et éventuellement revendiquer et évaluer des politiques plus inclusives ? Doit-on prévoir des normes pour l’usage des statistiques ethniques ?
Comment compter? Au niveau méthodologique, il y a plusieurs façons de mesurer l’appartenance ethnique et la discrimination : quelles sont les pratiques les plus courantes et les plus valables, tenant compte des spécificités historiques, socioéconomiques et politiques de chaque société ?
Qui est compté et qui ne l’est pas? Cette question est un prolongement de la question précédente. Il s’agit ici d’identifier les biais et les lacunes dans les statistiques officielles. Qui n’est pas compté est très révélateur des critères politiques à la base des choix méthodologiques.
Pourquoi compter ? Quels sont les facteurs d’intégration ou de non intégration (discrimination) légale, sociale et économique? Est-il possible (souhaitable?) de développer des indicateurs d’intégration comparables au niveau international? Quels droits devrait-on octroyer aux diverses catégories de migrants (permanents, temporaires, réfugiés, irréguliers, etc.)? Autant d’interrogations nécessitant de faire appel à de nouvelles sources de données (banques de données administratives et enquêtes longitudinales) dont il importe d’examiner les orientations futures. |